Vivre, tour du queyras – Philosophie et alpinisme

Philosophie et alpinisme

Je reprendrai bien un peu de philosophie et alpinisme moi, pas vous ? Vous trouverez ci dessous le texte « Vivre » décrit dans le dernier article sur tesseract. Lisez-le, le texte comme son histoire. Le voyage qu’il a suivi avant d’arriver devant vos yeux est aussi intéressant que le texte en lui même. Ça tombe bien le texte parle du voyage !

Vivre

Entre la témérité et la renonciation passe l’étroit, l’incertain chemin de crête de l’aventure. Et celui qui, au moins une fois, a dû lutter pour se maintenir dans le courant d’un véritable voyage, celui-là sait que sur ce chemin-il pourra toujours aller prendre la mesure de ses forces et connaître l’exacte valeur de la vie sauve.

D’un côté se dresse le raide versant de l’inconscience, qui conduit au risque insensé ; de l’autre côté s’étend le versant de toute les quiétudes au bas duquel des voix doucereuses appellent à vivre de simulacres.

Sur ce haut sentier, il faut souvent affronter le vertige et ses doutes. Mais on y vit de belle lucidité et de courage simple. Si la marge de manœuvre y est souvent restreinte, la vue magnifique que l’on a sur le monde fait de l’aventurier ce que le navigateur Gérard Janichon appelle « un voyageur de la vie universelle ». Et surtout, à force d’épreuves, on s’y habitue à prendre le risque pour ce qu’il est l’indispensable, la nécessaire part du vrai voyage, celle qu’il faut dans le même instant rechercher et éviter.

Le risque a deux visages. Il est d’abord le danger, parfois mortellement réducteur de vie, insupportable éventualité du malheur, mais aussi l’inconnu, le « beau risque », qui, par la découverte et l’invention, conduit presque toujours à un surcroît de vie. Ces deux visages sont inséparables, et l’on ne peut contempler l’un sans rencontrer l’autre : privée de risques, l’aventure n’offre rien. Mais trop risquée, elle devient absurde. On a dit de l’alpinisme qu’il est l‘art de rechercher les plus grands dangers en faisant tout pour les écarter. Ainsi en est— il de tous les voyages périlleux ce qui fait leur essence, ce ne sont pas les risques seuls, c’est l’art de les éviter. De les éviter par soi-même, et non par d’autres qui les auront préalablement éloignés du chemin.

Au retour d’une première ascension en Alaska, au cours de laquelle il venait de perdre un ami, David Roberts écrivait dans un livre justement intitulé « Moments de Doute » « Ce choc et cette peur qui nous ont habités les derniers jours de notre expédition masquent aujourd’hui l’image rayonnante d‘une journée parfaite – la journée du sommet où l’harmonie semblait sans défaut. Aurions-nous dû trouver un moyen moins risqué de devenir amis ? Cela aurait-il pu se faire ? Peut-être était-ce le risque lui-même qui avait contribué à nous unir. »

Pour trouver des réponses a ces questions, on peut écouter l’alpiniste et guide Paul Keller « Vouloir bannir tout risque de l’existence individuelle et collective, c’est la condamner à l’immobilisme. En revendiquant un droit au risque, les alpinistes défendent non seulement l’alpinisme, mais une qualité de vie des individus et de la société, ou le plaisir et l’effort mêlent au besoin d’entreprendre et au refus du statu quo. »

Entre les griseries du danger et la paralysie suscitée parfois par la peur, passe l’étroit chemin de crête du voyage périlleux, au long duquel le marcheur libre et responsable de lui—même va chercher les merveilles dont il a besoin pour vivre et qu’il ramènera aux autres. Là-haut, sur les crêtes du risque, dans le vertige des immensités du monde, il a certes droit, non à la sécurité, mais aux moyens de sa propre sécurité. Que serait pourtant son voyage s’il ne le conduisait pas hors des sentiers balisés ? Le droit à la vie sauve n’est rien sans un autre beau droit, le droit à l’aventure.

Auteur inconnu – Magazine Petzl, n° ?

PS : Et pour ceux qui ne savent toujours pas : Il faut imaginer l’alpiniste heureux.

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